Il existe une multitude de facteurs qui influencent significativement la réussite scolaire des élèves. Dans son analyse de plus de 1 200 méta-analyses portant sur plus de 50 000 articles scientifiques quantitatifs publiés en langue anglaise, Hattie (2017) propose un classement de plus 258 facteurs appartenant à des sous-domaines : l’élève, la classe, l’école, la famille, les programmes, l’enseignant et les méthodes d’enseignement et d’apprentissages. Ces facteurs sont classés, des plus positifs comme « efficacité collective des enseignants », « le feedback de l’enseignant », « la formation des enseignants », « la métacognition », « les programmes de stimulation tactile », « les relations enseignants-élèves », « le statut socio-économique des parents », aux plus négatifs, comme « le manque de sommeil », « la télévision » ou encore « les punitions corporelles ». La mise en évidence de plusieurs dizaines de facteurs qui contribuent significativement aux résultats scolaires, montre que l’analogie défendant l’idée que l’apprentissage dépendrait de quatre piliers n’est pas pertinente et, voire, constitue un potentiel obstacle à une compréhension fine et complexe des apprentissages (Gentaz, 2022).
Par exemple, nous pouvons distinguer ici plusieurs types de leviers selon les acteurs (les enseignants et leurs gestes professionnels) et le niveau d’action concerné (le degré d’inégalités socio-économiques).
Le premier type de levier concerne les enseignants de tous les degrés. Il est connu que leur niveau de leurs compétences professionnelles détermine au final la qualité du système éducatif. En plus de la nécessité de revaloriser leur statut au niveau au moins de la moyenne européenne, il est très important de les former aux gestes professionnels d’enseignement qui favorisent la réussite et le bien-être scolaires de toutes et tous les élèves. Ces gestes doivent concerner autant les aspects propres à chaque discipline scolaire, que les aspects transversaux aux différentes disciplines scolaires que met en œuvre une ou un enseignant, tant dans sa gestion de classe que dans celle des apprentissages des élèves : la différenciation pédagogique, les compétences socio-émotionnelles, les fonctions exécutives et les capacités attentionnelles des élèves, les feedback et enfin les transferts d’apprentissage (Wyss, Gvozdic, Gentaz & Sander, 2023).
Le second type de levier concerne les premières années d’école. Ces dernières représentent une période sensible et importante pour favoriser la réussite scolaire et éducative de l’enfant. En effet, le contexte scolaire fait partie intégrante des facteurs environnementaux exerçant une influence sur le développement psychobiologique de l’enfant. Lorsque l’enfant débute l’école, ce nouvel environnement va représenter le lieu privilégié de socialisation et d’apprentissage pour lui. Par conséquent, l’enseignement gagnerait à développer les recherches qui s’intéressent aux modalités d’apprentissage qui permettent de rendre cet environnement scolaire pleinement favorable au développement cognitif, socio-émotionnel et sensori-moteur de l’enfant (Richard & Gentaz, 2023). Des études montrent que les réussites scolaires et éducatives sont liées à l’approche pédagogique mise en œuvre au cours des premières années d’école. Une approche essentiellement scolarisante, à savoir une approche qui valorise une instruction principalement dirigée par l’enseignant, avec peu de place accordée aux expériences et initiatives des élèves (dont en particulier la possibilité de jouer), ne serait pas propre à renforcer, à long terme, la réussite de l’enfant. (Marcon, 2002 ; National Institute of Child Health and Human Development Early Child Care Research Network, 2003).
Le troisième type de levier concerne l’environnement socio-économique de l’élève. Ce dernier joue un rôle significatif pour sa santé
mentale via notamment le statut socio-
économique de ses parents, mesuré par le niveau de formation, la profession et le revenu. Globalement, les personnes avec un faible statut socio-économique ont tendance à avoir une moins
bonne santé mentale et présentent un risque plus marqué de développer une maladie psychique. Les inégalités sociales interagissent également fortement avec les caractéristiques du cadre de
vie de la personne. Piketty (2013) révèle que la répartition des richesses est de plus en plus injuste à travers le monde. En France, environ 20 % des enfants (soit 2,9 millions) vivaient en
dessous du seuil de pauvreté en 2018 avec un taux qui monte à 41 % dans les familles monoparentales. Les autres facteurs de risque de pauvreté infantile sont les familles nombreuses, origine
migratoire, parents sans formation post-obligatoire ou sans activité professionnelle. Le développement actuel des inégalités des revenus est lié au développement des enfants (Wilkinson &
Pickett, 2013). En effet, de nombreuses données scientifiques internationales, issues de l’épidémiologie, établissent des liens entre les degrés d’inégalité de revenus dans différents pays
(mesurés par exemple par les écarts entre les 20 % les plus riches et les 20 % les plus pauvres), et d’autres indicateurs mesurant le niveau de bien-être et le bonheur de nos sociétés
(alimentation, santé, niveau de vie, environnement, niveau de confiance envers les gens, le statut des femmes, etc.). Parmi ces nombreux indicateurs, plusieurs concernent le développement
psychologique des enfants. Les données révèlent des liens entre le degré d’inégalité et la santé, le bien-être mental ou éducatif des enfants (Twenge, 2007). Ces résultats concernent aussi
bien les pays riches que les pays en développement. La réduction de l’inégalité est un moyen à privilégier si l’on désire améliorer la qualité de l’environnement social et par conséquent la
réussite de tous les élèves.
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Pr édouard Gentaz
Professeur de psychologie du développement à l’Université de Genève,
Directeur de recherche au CNRS,
Directeur du Centre Jean Piaget
.
REFERENCES
Gentaz, É. (2022). Les neurosciences à l’école : leur véritable apport. Paris : Odile Jacob.
Hattie, J. (2017). L’apprentissage visible pour les enseignants : Connaître son impact pour maximiser le rendement des élèves. Presses de l’Université du Québec : Québec.
Richard, S., & Gentaz, É. (sous presse 2023). Les compétences émotionnelles, élément fondamental de la construction de l’enfant. In È. Leleu-Galland, & F. Samarine (Eds), Comment l’enfant entre dans les apprentissages – Des apports théoriques issus de la recherche pour nourrir la réflexion (pp. 35-50). Paris : Nathan
Marcon, R. A. (2002). Moving up the Grades: Relationship between Preschool Model and Later School Success. Early Childhood Research & Practice, 4(1), 1‑23.
National Institute of Child Health and Human Development Early Child Care Research Network (2003). Social functioning in first grade: Associations with earlier home and child care predictors and with current classroom rxperiences. Child Development, 74(6), 1639‑1662. https://doi.org/10.1046/j.1467-8624.2003.00629.x
Piketty, T. (2013). Le Capital au XXIe siècle. Paris : Seuil
Reidy, J. (2021). Reviewing school uniform through a public health lens: Evidence about the impacts of school uniform on education and health. Public Health Review, 42,1604212. doi: 10.3389/phrs.2021.1604212
Twenge, J. (2007). The âge of anxiety? Birth cohort change in anxiety and neuroticism, 1952-1993. Journal of Personality and Social Psychology, 79, 1007-1021.
Wilkinson, R., & Pickett, K. (2013). Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous. Paris : Les petits matins/Institut Veblen.
Wyss, A., Gvozdic, K., Gentaz, é., & Sander, E. (2023). Comment favoriser les apprentissages scolaires ? Re-penser les gestes professionnels pour l’enseignement. Paris : Dunod
Pour citer cet article : Pour citer cet article : Gentaz, É. (2023). Éditorial - Comment favoriser la réussite de nos élèves ?. A.N.A.E., 185, 373-376.
www.anae-revue.com